1 - La mort jumelle

J’ai très vite appris dans mon enfance à vivre avec la séparation et la mort : au décès de mon grand-père, mes parents ont trouvé une maison et déménagé de chez mes grands-parents maternels avec mon frère encore bébé. Dès mes sept ans, je suis restée avec ma grand-mère pour la seconder ; invalide, elle ne pouvait habiter seule. Nous avons demeuré toutes deux dans cette maison où s’était éteint mon grand-père au terme d’une très longue maladie. J’ai donc vécu la réalité de la mort comme une expérience singulière et quotidienne à tel point qu’elle m’est devenue une présence familière, mêlée sans aucun effroi à l’énergie de la vie. À la fois séparation et présence, la mort était une compagne avec laquelle je pouvais naturellement discuter. Une passeuse dans nos existences, vers l’autre côté du miroir. Ma grand-mère peignait, écrivait, racontait des histoires, m’encourageant à exprimer mes émotions. Lorsqu’en avril 2020, mon mari a été emporté brutalement d’une crise cardiaque, à l’aube de ses 50 ans, j’ai ressenti l’urgence de concevoir, à partir de sa mort sidérante et inacceptable, un projet photographique, « La mort jumelle », actuellement destiné à un livre et une exposition. Photographe et vidéaste, il me faut aujourd’hui relater et explorer ce compagnonnage forcé que je ressens intime et fondateur pour chacun d’entre nous, en-deçà de la violence qu’il impose à notre existence.
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J'ai planté des capucines et les observe grandir, s'épanouir, mourir... et tomber sur un miroir. Elles dansent en offrant leurs graines, sans cesse en métamorphose. Il me semble que leur reflet nous éclaire.