VISIONS GOLDBERG - VARIATION 27



"Qu’est-ce que je fais ici ?
J’appelle.
J’appelle.
J’appelle.
Je ne sais pas qui j’appelle.
Qui j’appelle ne sait pas.
J’appelle quelqu’un de faible,
quelqu’un de brisé,
quelqu’un de fier que rien n’a pu briser.
J’appelle.
J’appelle quelqu’un de là-bas,
quelqu’un au loin perdu,
quelqu’un d’un autre monde.
(C’était donc tout mensonge, ma solidité ?)
J’appelle.
Devant cet instrument si clair,
ce n’est pas comme ce serait avec ma voix sourde.
Devant cet instrument chantant qui ne me juge pas,
qui ne m’observe pas,
perdant toute honte, j’appelle,
j’appelle […]"


Premières impressionsHenri Michaux

 

« Après la profonde Variation n°25 et la très tonique Variation n°26, la 27 évoque davantage de douceur comme si des anges chantaient soudain. C’est le dernier canon, à la neuvième, et c’est le seul canon des Goldberg qui soit 'pur', non accompagné (sans la basse continue). »
Irina Lankova


*

Quelle est cette voix qui résonne en la Variation 27, cette voix singulière ?
Car singulière - et multiple -, elle tisse avec douceur une histoire impossible à raconter, étrange et prenante pourtant, dans laquelle s’aventurent tranquillement signes et surgissements.
En bordure d’un récit qui résiste et s’effiloche, elle scintille au creux des regards, court sur la peau, s’éparpille entre les doigts.
Peut-être appelle-t-elle, singulièrement – comme le « je » du poème d’Henri Michaux – un écho, un ami, une reconnaissance…
À l’image, on ne peut qu’en suivre la trace flottante, interroger l’œil de la musicienne, attraper l’ombre de ses mains, se perdre et, avec ravissement, s’étonner de la force essentielle à l’évocation subtile de la fragilité.


 

> Variation 28