ECO RICERCATA

Une pièce de Denis Bosse
Avec l'Ensemble Fractales et le Centre Henri Pousseur

Visuel et Film d'Isabelle Françaix

Un événement "Concert, Rencontre et Film" au Senghor
Création le 18 septembre 2022, 18h00

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Le film


 

 

ECO RICERCATA - œuvre de Denis Bosse pour ensemble et électronique, 2021

DISTRIBUTION
*Ensemble Fractales :
Renata Kambarova / flûtes
Benjamin Maneyrol / clarinettes
Marion Borgel / violon
Diego Coutinho puis Merryl Harvard / violoncelle
Gian Ponte / piano

*Centre Henri Pousseur : Xavier Meeùs et Denis Bosse/informatique musicale et électronique live
*Isabelle Françaix : réalisation du film

PROGRAMMATION
Stijn Boeve, Lorenzo Carola et Céline Rallet

COPRODUCTION
Centre Henri Pousseur / Forum des Compositeurs / Le Senghor
RESIDENCES d'enregistrement et de tournage en mai 2021
CONCERT / FILM / RENCONTRE au SENGHOR dans le cadre du FESTIVAL LOOP #12

 


Expérience poétique d’échos sonores et visuels
L'Ensemble Fractales et le Centre Henri Pousseur créent ECO RICERCATA de Denis Bosse pour 5 instruments et électronique
Imaginée à partir du mythe d’Écho et Narcisse dans "Les Métamorphoses" d’Ovide, cette musique nous entraîne, d’épisode en épisode, de reflets en échos, vers l’intériorité du son. Narcisse n’aime que sa propre image, la nymphe Écho répète ce qu’elle entend… Leur rencontre impossible chante l’infinie solitude du désir.
Le film d’Isabelle Françaix s’envisage à partir de la musique comme un écho visuel, un reflet désirant, un mirage sensuel : un nouvel espace pour la nymphe Écho amoureuse de l’inapprochable Narcisse.

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Lorsque Denis Bosse m'a proposé de réaliser un film à partir de sa musique, la perspective m'a tout de suite emballée et je me suis replongée dans la littérature d'Ovide autant que dans la conception de sa pièce, son enregistrement par les musiciens et l'aventure des sons née de ces approches multiples, interprétations et réinterprétations. Un mythe, un poème, une musique, son interprétation musicale, un film : le processus créatif et imaginaire peut se répercuter à l'infini. Vertige des reflets et des échos. Infinies métamorphoses à partir de dialogues, de silences et de non-dits, les images interrogent la possibilité de la rencontre entre deux êtres, deux espaces, deux univers désirants. Quel est cet intervalle entre soi et l'autre, entre le mot et le son, le son et l'image, l'image et le mythe, etc. ? Que s'y passe-t-il, que peut-il en naître ? L'auditeur, le spectateur nous renverront sans doute un écho supplémentaire de leurs propres sensations. C'est peut-être dans cette transformation incessante d'un élan originel que réside une présence et une vitalité féconde, sans cesse renouvelée.” - Isabelle Françaix

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LES METAMORPHOSES D’ÉCHO ET DE NARCISSE (III, 339-510)
Ovide (43 av. JC – 17 ap. JC)
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Écho – “Elle est le son qui vit en elle.
Narcisse – "Il aime un espoir sans corps, prend pour corps une ombre."

La nymphe Écho condamnée par Junon à répéter la fin des phrases qu’elle entend est amoureuse de Narcisse qui, lui-même épris de son propre reflet, la repousse et l’ignore.
 
Du piano s’élève dans ECO RICERCATA le chant du beau Narcisse. Depuis les autres instruments puis l'électronique, la nymphe Écho le reprend et vibre tout entière de sons qui ne sont pas les siens.

"Il y a quelqu’un ? – … Quelqu’un... "
"Rejoignons-nous – … Rejoignons-nous... "
"Je mourrai avant que tu ne disposes de moi – … Que tu ne disposes de moi... "
"Hélas – … Hélas... "

Son et image, Écho et Narcisse se désincarnent.

Écho se pétrifie : "sa voix subsiste, et on dit que ses os ont l’aspect de la pierre".
Narcisse disparaît "laissant au lieu d’un d’un corps une fleur couleur de safran, entourée de pétales blancs".
"Adieu – … Adieu... "

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UN RICERCARE À CINQ VOIX formant à travers le silence un espace d’échos instrumentaux et électroniques.

Ces échos musicaux résonnent simultanément avec des échos du langage parlé et littéraire: tautologies, bégaiements, anaphores, allitérations, assonances et autres anadiploses qui proviennent de dictons ou de chansons et de poèmes : « tu parles, Charles » … « un buffet Henri II, deux buffets Henri III, trois buffets Henri IV » (Prévert)… « pas pas paspaspas pas » (Ghérasim Luca)...« Ta Katie ta quitté » (Boby Lapointe)... « Ma plume, mon diplôme, un blâme, un problème » (Casey). Ils étayent la dramaturgie musicale de l’œuvre.

« Tout fait farine au moulin », dit-on. 

Comment ne pas évoquer les intuitions géniales et délirantes du jésuite méconnu Athanasius Kircher qui écrivait en 1650 un vaste traité de musique et d’organologie : « Musurgia Universalis », aussi fantasque que fécond, suivi en 1670 du non moins audacieux « Phonurgia Nova » consacré à l’acoustique. Les gravures qui l’illustrent activent notre imaginaire, de clameurs en vertiges amoureux dignes de Narcisse et Écho : « clamore… amore… more… ore… re ».

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FRACTALISATION DU DÉSIR

La pièce de Denis Bosse, Eco Ricercata, musicalement conçue comme un polyèdre à 7 faces, trouve sa source dans les sept parties identifiées par le compositeur dans la métamorphose de Narcisse et d’Écho, le poème d’Ovide. Résonnent 7 matériaux et 7 harmonies-timbres qui correspondent chacun à 7 mouvements, reflets les uns des autres : 

1) Resonabilis Echo (Echo la résonante) : voix et poèmes dits, 

2) Coeamus (Aimons-nous) : cloches et résonances, 

3) Se cupit (il se désire) : monodie, 

4) Huc exi (Viens ici) : traits ascendants, jaillissements, fusées, 

5) Iste Ego Sum (Je suis cet être là) : pluie, 

6) Eheu (Hélas) : rythme, ostinato, danse, 

7) Uale (Adieu) : vibrations statiques contemplatives. 

Grâce à un ricercare à cinq voix temporelles, chaque mouvement se fractalise et contient les 6 autres matériaux. Les temporalités ainsi superposées sont en rapports premiers entre elles: 1-2-3-5-7 et l'œuvre se réalise alors en une spatialisation tant réelle que virtuelle.

Qu’elle soit dédiée à l’Ensemble Fractales est donc une rencontre pleine de sens à la recherche d’une poésie des fractales en musique. 

«Une figure fractale désigne des objets dont la structure irrégulière et morcelée est invariante par changement d'échelle». Le terme 'fractale' est un néologisme créé par le mathématicien Benoît Mandelbrot en 1974 à partir de la racine latine 'fractus', qui signifie brisé, irrégulier. » (Futura Sciences)

De là à penser la brisure et sa diffraction, nous voici entraînés dans la spirale du ricercare : recherche, fugue et quête de reliance.

'Coeamus', dit Narcisse, et Écho, qui jamais ne pourrait avoir

son plus agréable à renvoyer, répondit : 'Coeamus'. (Ovide)

'Coeamus', ou pourrait-on traduire : « rejoignons-nous, accouplons-nous, aimons-nous ».

Le film d’Isabelle Françaix, s’envisage comme la huitième facette du polyèdre musical d’Eco Ricercata : un écho visuel du geste muet, du désir inassouvi, du mirage sensuel. Reflet, illusion ou hologramme ?

Sur le plan vibratoire, la structure de l’octaèdre, qui symbolise l’air, est celle d’une double pyramide. L’énergie pénètre par la première pointe et ressort de l’autre côté, par la deuxième pointe, se concentrant en son centre.

Du désir et de l’impossibilité de se rejoindre…

Entre silences, opacités et transparences se développe une poétique du corps menacé de désincarnation. Le piano sur la scène figurant Narcisse, clarinette, flûte, violon et violoncelle s’en font l’écho que répète encore la partie électronique. 

La disposition musicale autour du public, entouré par les musiciens ouvre dans cette même idée l’espace scénique et sonore. 

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Affiche originelle